Je suis contre l’égalité quand celle-ci n’est plus qu’un mot, qu’une arme politique de répression et de conformation, une revendication au pire ; je suis contre l’égalité quand elle fait trébucher la liberté, laquelle (soudainement immobile) est prise à la gorge sous le poids de cette moralité recyclée ; je suis contre l’égalité lorsqu’elle a vocation à déposer sur la fraternité un voile opaque et hermétique.
Puis, que ni l’une ni l’autre, de la fraternité ou de la liberté, ne puisse plus respirer.
Contre l’égalité qui conduit la femme à être aussi crétine que l’homme, contre l’égalité qui fait de la victime un bourreau, contre l’égalité qui décolonise l’intelligence et l’innovation au profit d’un sens commun ignare, contre l’égalité qui mène en troupeau les singularités et les convertit en moutons, contre l’égalité qui déresponsabilise les individus, qui les culpabilise, contre l’égalité qui promeut des revendications identitaires et communautaires, contre l’égalité qui n’est qu’une façade d’indignations, contre l’égalité qui érige du désir et de l’opinion en droits et métamorphose - par on ne sait quel sortilège - lesdits droits en injonctions, contre l’égalité qui aveugle les plus sages intentions, contre l’égalité qui affame les rêves et les projets crédules de la jeunesse, contre l’égalité qui manipule le passé et remodèle notre collective mémoire future, contre l’égalité qui assèche le cœur de l’humanité et laisse derrière elle un chemin identique au lit d’une rivière tarie, contre l’égalité qui juge, qui tranche, et retranche, qui assène, qui mobilise et fédère uniquement autour d’une émotion, qui positive jusqu’à la discrimination, qui catégorise, qui marchandise et négocie, qui compte, qui pèse, qui compare… et veut faire de sa vérité la seule réalité.
Bref, je suis contre l’égalité, comme je m’oppose à tout dogme, à tout instrument d’asservissement, d’avilissement, de propagande.
Pour autant, elle demeure mon irrépressible passion.
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Par Marx Teirriet