Les illusions de la domination

vendredi 11 février 2022

Nous ramenons systématiquement la domination à la volonté subjective de certains, individus ou groupes, de l’exercer et aux supposées manœuvres qu’ils opèreraient pour y parvenir, l’assimilant alors à un choix moral qui nous permet de faire facilement le partage entre méchants dominants et gentils dominés. C’est d’abord continuer à s’illusionner sur le caractère réel du statut de sujet et sur la possibilité de libre choix que nous y rattachons, alors même que le sujet n’a d’autre fonction que de masquer nos multiples déterminations individuées – génétiques, sociales, culturelles. C’est ensuite rater le fait que toute domination est avant tout une organisation structurelle de rapports de forces qui définit des positions relatives et distribuées de dominants et de dominés correspondant à ses modes de fonctionnement, auxquelles s’ajustent automatiquement les individus selon les capacités propres dont ils disposent et celles qui sont requises pour assurer le fonctionnement global et la reproduction fonctionnelle de cette organisation. Ce qui ne justifie en rien quelque forme de domination que ce soit – ni les prétentions de pertinence, voire de transcendance, qu’elle ne manque jamais de formuler – qui est par principe, par construction, contingente puisque basée sur la stratification arbitraire de rapports de forces eux-mêmes contingents et variables. Ceci donnant d’ailleurs lieu aux luttes de structure et de positions qui la traversent inévitablement. Mais ce minimum de lucidité sur la façon dont fonctionne toute domination permet au moins d’éviter de la personnifier – attitude à la base de tout complotisme – et de la reproduire sans même s’en rendre compte en étant persuadé de travailler à sa disparition. Minimum de lucidité qui oblige aussi à admettre qu’il ne peut y avoir de groupe sans domination parce qu’il se construit nécessairement sur l’institutionnalisation de certains rapports de forces. On ne peut que tenter d’améliorer la forme qu’elle prend, tout en étant conscient que cette amélioration ne peut jamais être la même pour tous puisque sa conception dépend en grande partie de la place qu’on occupe dans la structure de domination.

— 
Par Bloom

Les brèves dans Tribune

Pathologie fatale
(29 octobre 2025)

Certains prétendent guérir l’espèce humaine de ses errements désastreux. Mais la malade est incurable, d’autant qu’elle dispose désormais des moyens technologiques de propager instantanément et (…)

Compréhension ?
(25 octobre 2025)

Nous pouvons assez bien comprendre le monde puisque nous l’instaurons, avec ses structures, ses formalismes et ses fonctionnements, spécifiquement dans ce but. Mais nous ne comprenons jamais le (…)

Tu ne dois pas ce que je ne peux pas
(22 octobre 2025)

Le rigorisme moral n’est que l’expression du ressentiment qui découle de l’impuissance à faire ce qu’il condamne. — Par BLOOM

Ultime espérance
(18 octobre 2025)

Pourquoi, en dépit de ce que les sciences de l’homme nous dévoilent de peu reluisant le concernant, continuons nous globalement à croire en sa bonté, au moins en tant que possibilité, sinon parce (…)