Salammbô

mercredi 1er décembre 2021 , par Bloom

Voilà une relecture, pas tout à fait étrangère à Pascal Quignard puisque dans le cahier de l’Herne (pour lequel nous avons écrit une note, ndlr) il y livre une version bien plus brutale que Flaubert de Mme Bovary. Relecture profitable puisque la première, il y a de cela plusieurs décennies, ne m’avait laissé qu’une impression de succession de carnages exotiques, certes décrits avec profusion dans une langue qui emportait dans le flot des massacres, mais dont la conclusion semblait un peu artificielle et décevante et les caractères des protagonistes paraissent quelquefois un peu trop réduits à des épures. Je n’y avais pas vu, pas même détecté, la dimension politique qui se cache sous l’exotisme. Les censeurs de l’époque, qui s’étaient acharnés sur cette pauvre Emma Bovary, non plus, alors qu’il y a dans ce livre, cachée sous l’apparence d’un Orient par ailleurs historiquement assez juste, une description assez froide et cruelle de l’organisation de l’exercice global des pouvoirs à son époque. Entre une classe dominante accaparant la quasi-totalité des richesses, secondée par un clergé qui assure sa domination culturelle en imposant une moralité rigide et ritualisée, et une masse d’individus qui travaillent pour la première afin de lui permettre d’accumuler et de conserver ces richesses. On n’est pas si loin de Marx et c’est somme toute assez réjouissant à lire. Surtout on aperçoit mieux pourquoi tout se termine de cette façon-là, qui est conforme à l’organisation de l’exercice des pouvoirs que Flaubert expérimentait à son époque. Pourquoi Mathô et ses camarades, qui tiennent Carthage dans leurs mains, la laissent s’échapper et finalement les renvoie à leur poussière. Parce qu’il s’en font, ou s’en font faire un fantasme, les deux à la fois certainement, et qu’on ne maîtrise jamais un fantasme.

Salammbô, de Gustave Flaubert.

Salammbô, Gustave Flaubert

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