Haro sur l’intellectuel

samedi 11 septembre 2021

Il est dorénavant devenu de bon ton de conspuer les intellectuels. Bien entendu ceux qui en font profession médiatique et se donnent complaisamment en spectacle, mais on peut se demander ce qu’ils présentent de réellement intellectuel en dehors de l’étiquette que la culture commune leur octroie en échange du support qu’ils lui apportent pour justifier ses valeurs, y compris lorsqu’ils prennent la pose de la contestation. Ceux-ci jouent le rôle qui leur est assigné dans l’exercice global des pouvoirs et ont la rétribution qu’ils méritent. Mais aussi bien ceux qui considèrent que penser, ou ne serait-ce que réfléchir, sur le monde que nous faisons et l’existence que nous y menons peut permettre de singulièrement les enrichir – pas simplement et uniquement de les améliorer. Bien entendu ça implique de ne pas s’adonner sans réserve au divertissement et à ses illusoires jouissances immédiates et bien souvent tarifées. Et sans doute ce recul qui entraîne un dévoilement au moins partiel des illusions communes, entraîne-t-il un certain inconfort, au moins intellectuel, auquel rechigne le plus grand nombre. On n’apprécie guère d’être confronté à ses inconséquences, à sa médiocrité, à son irresponsabilité, surtout lorsqu’on entend continuer à profiter de leurs effets gratifiants. Et puis ça laisse toute latitude au fonctionnalisme de l’exercice global des pouvoirs d’accroître son emprise sur les masses. L’intellectuel, celui qui tente de se servir singulièrement de ses capacités cognitives, est alors la figure même du trouble-fête, qui empêche l’exercice global des pouvoirs de fonctionner et le plus grand nombre de retomber en enfance, ce qu’on lui pardonne de moins en moins.

— 
Par Bloom

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